Faire des maths...

Alors qu’il déambulait à l’aveuglette dans les couloirs, Seth passa devant une pièce où un panneau en hauteur indiqué qu’il s’agissait d’une salle de classe.

*Tiens, ils ont réussit à penser à donner malgré tout de l’éducation à ses enfants…Surprenant…*

Oui, c’était bas, mais rien qu’en voyant le directeur et le chef des gardes, il n’y avait franchement pas de raison de penser le contraire. Il avait tout de même le droit d’être surpris que ces hommes, enfin surtout Roy, ait eut la décence d’esprit de donner la possibilité à ces jeunes hommes d’apprendre des choses.

Il resta un instant, se demandant comment pouvait être organisé l’endroit. Il poussa alors légèrement la porte, et tenta un coup d’œil.

Avant de réellement voir le lieu, il entendit un grattement.

Poussé par la curiosité, il ouvrit en plus grand, rentrant, et aperçut un jeune homme penché sur une feuille de papier, la grattant frénétiquement. Jamais il n’avait vu quelqu’un d’aussi actif. Il choisit de s’approcher pour se présenter, et s’excuser de pénétrer ainsi, le dérangeant peut-être dans son entreprise.

« Bonjour ! Désolé de vous dérangez ! Je me promenais dans les couloirs quand j’ai été intrigué par la salle, et pour être honnête, par votre activité ! Vous me semblez assidu en tout cas ! »

Il lui fit un sourire chaleureux.

Ethan voyait les nombres s'inscrire sur le papiers comme s'ils coulaient littéralement de ses yeux. Les calculs étaient trop faciles et il avait dérivé sur une dissertation sur la survie des araignées dans le désert. Il réfléchissait à toute vitesse, un quart de seconde plus rapiement que sa main qui grattait sans pause le cahier. Et au fil de ses réflexions, la voix d'Erwan se taisait, son dos se détendait, et il finissait par oublier où il était et jusqu'à sa propre existence.

Cette inattention aurait pu lui etre beaucop plus désagréable si l'homme qui venait d'entrer n'avait pas été le prêtre. En entendant sa voix, la main d'Ethan s'arrêta brusquement, la mine manquant de se casser. Aussi vite que sa pensée, Ethan retomba sur terre et reprit conscience du monde extérieur. Pendant une seconde, il resta parfaitement immobile. Puis, avec une lenteur digne d'un escargot, ses jambes glissèrent de la chaise, ses pieds regagnèrent leur gangue. En meme temps, le prisonnier avait très légèrement relevé la tête et ses yeux noirs tournèrent dans leur orbite, se fixant sur le visage de l'inconnu.

Il y eut quelques secondes de silence, durant lesquelles le prisonnier se demanda qui était cet homme, ce qu'il voulait, et surtout, comment il devait réagir. Son cerveau lui renvoya les paroles qui l'avaient interrompues et ses yeux notèrent que le sourire était très différent de ceux qu'on lui avait donné récemment.

Il en déduit que l'homme, à première vue ne lui voulait pas de mal, mais il fallait rester prudent.

"Qui êtes-vous?"

Avec un peu de chance, l'homme lui répondrait.

La lenteur que mit le jeune homme dans son action lui paru comme surréaliste. Il avait peut-être un problème, ou alors il l’avait sorti trop brusquement de son travail, le surprenant d’une certaine manière. Enfin, il était surpris, mais pas décontenancé.

Lorsqu’il le regarda, Seth garda son sourire, attendant une réaction de sa part, ne sachant pas trop s’il pouvait se permettre de demander directement ce qu’il faisait. Il préférait surtout que l’ado parle de lui-même. C’était avant tout pour s’ôter une impression de forcer les choses qu’il avait évité de relancer.

Et comme il pouvait s’y attendre, le garçon lui demanda qui il était. Bon, c’était logique, mais ce qui le soulageait, c’était de ne pas l’avoir effrayé. Il arrivé que des gens soient mal à l’aise par sa soutane, et préfère l’ignorer ou le repousser. Mais rien de ce genre à cet instant.

Et c’est toujours en souriant qu’il se présenta.

« Oh, je suis désolé, j’ai complètement oublié de me présenter ! Mon nom est Seth Baesphalm ! J’ai été ‘muté’ ici récemment. Et, comme vous pouvez le voir, je suis prêtre ! »

Il s’avança doucement vers lui, se saisit d’une chaise, et s’assit sur celle-ci à une distance raisonnable du détenu. Ceci était par peur, mais pas une peur qu’il ressentait pour lui-même, comme s’il craignait d’être agressé. Non, c’était celle de faire paniquer le garçon, et le faire fuir. Il voulait à tout prix éviter que sa première rencontre avec un pensionnaire puisse mal se terminer, ou plutôt commencer. Il cherchait à le rassurer en lui montrant qu’il respectait son espace vital.

« Je vais me montrer curieux, mais qu’est-ce qu’étiez-vous en train de faire ? »

Il regarda de loin les feuilles, puis le regarda, toujours en souriant, sans se forcer.

« Oh, et je suis bête, mais je n’ai pas pensé à vous demander quel était votre nom ! »

Les yeux d'Ethan glissèrent furtivement sur les vêtements de son interlocuteur. Un prêtre. Plutot bon signe, généralement les hommes d'église étaient indépendant dans les prisons. Néanmoins, le prisonnier préféra rester prudent et laissa ses pieds dans les chaussures qu'on lui imposait. Il avait eu comme co-détenu un prêtre pédophile une fois donc il valait mieux ne pas se fier totalement à la robe.

"C'est un honneur" finit-il par prononcer.

Il continuait de regarder l'homme assis à quelques pas de lui. Il ne semblait pas vouloir s'approcher de lui.

*Logique, c'est une prison.*

Et il valait toujours mieux éviter les contacts dans ce genre de lieu. D'ailleurs meme quand il n'y avait presque pas de contacts, les rencontres pouvait être fort déplaisante. Ethan ne quitta pas des yeux l'homme mais il fixait à présent son menton, histoire que le prêtre ne s'offusque pas d'un échange visuel trop appuyé.

Les mains du jeune homme étaient restées parfaitement immobile durant tout ce temps tout comme le reste de son corps. Ethan s'était comme statufié, il ne s'était jamais vraiment méfié des autres gens mais sa rencontre avec le chef des gardes commençait à avoir raison de sa naïveté. Vouté sur la table, il réfléchissait. Dans sa tête, la voix d'Erwan ressemblait à un ronronnement."Je m'appelle Ethan Carter. Et je faisais quelques exercices."

Doucement, il poussa le cahier sur la table en direction de Seth. Le bruit du papier contre le bois ressembla au vent passant dans les feuilles d'un arbre, ce simple bruit apporta un peu de fraicheur dans la pièce.

"Puis-je vous aider?"

Peut etre le prêtre était-il perdu.

Les hommes parlaient, mais semblaient pour le moment surtout se jauger. Chacun devait se demander ce que voulait précisément l’autre, enfin surtout le détenu qui paraissait u poil mal à l’aise. Seth savait que ça n’allait pas être facile, mais ce n’était qu’un début, alors pas de quoi abandonner.

Le garçon fini par se présenter, et lui expliquer ce qu’il faisait. En même temps, il était logique qu’il fasse des exercices, la pièce étant prévu à cet effet. Et comme il lui montrait son cahier, le prêtre eut le réflexe de s’avancer avec sa chaise et de regarder. Il était impressionné par le nombre de devoir qu’il avait fait. Il eut un sourire, pensant que ce que disaient le directeur et le chef des gardes était un peu facile. Il avait la preuve que certains détenus étaient sérieux.

« Et bien je vous admire ! Moi-même je ne faisais pas autant à votre âge ! »

A la question qu’il lui posa, il releva la tête.

« C’est gentil, mais non ! En fait, je suis arrivé aujourd’hui, alors pour ne pas être trop prit de court, j’ai choisit de me promener et de découvrir le lieu. Comme ça, je suis préparé pour retrouver plus facilement mon chemin ! »

Il continua de regarder le cahier, lui rappelant les années où le père Goethe lui donnait des cours. C’était épuisant, et parfois il s’enfuyait, mais ce fut de belles années. Toujours le nez plongé dans les mathématiques, il s’adressa à Ethan.

« Tu m’a l’air vraiment motivé ! Dis-moi, si ce n’est pas indiscret, tu sais ce que tu vas faire une fois sorti ? »

Il fini par le regarder, espérant ne pas vexé le jeune homme.

Le regard d'Ethan se posa brièvement sur le cahier. De l'admiration? Oui c'est vrai qu'il avait souvent eu des félicitations dans son école autrefois. Meme si pour lui, ces quelques pages de gribouillis arithmétiques lui avait simplement permis de s'évader mentalement.

Lentement, les yeux d'obsidiennes détaillèrent à nouveau le prêtre. Il ne faisait aucun geste pour le toucher, ni pour le forcer à se tenir droit. Soit il se contentait de rapporter ses écarts au chef des gardes, soit il ne s'en souciait guère. Mais vu son comportement, à moins d'etre très bon acteur, il semblerait que la deuxième option soit la plus plausible. Et sa dernière phrase amena la confusion dans le cerveau d'Ethan.

"Sortir?"

Le mot roula comme une braise sur sa langue alors que la voix d'Erwan lui susurra la sentence prononcée au tribunal.

*Vous êtes reconnu coupable. Certaines circonstances vous font échapper à la peine capitale. Vous êtes condamné à la prison à perpétuité. La séance est levée. Bam*

Ethan regarda Seth alors que ses joues se faisaient un peu plus pâles.

"J'ai été condamné à la perpétuité."

C'était la première fois que le jeune homme évoquait sa peine. Depuis le procès, il n'y avait meme pas songé. Il s'était plutot plut en prison, on le laissait en paix la majorité du temps. Le monde extérieur était peut-être trop vaste pour lui...

Seth sourit pour rassurer le jeune homme qui le jugeait, se demandant sans doute ce qu’il lui voulait réellement. Il connaissait ce regard. Lui-même l’avait déjà porté sur d’autres personnes. Pas quand il était avec le père Goethe, mais quand il avait commencé sa vie de délinquant, avec tous les pires jobs. Mais ce n’était qu’un souvenir, il n’y pensa pas longtemps.

Et alors qu’il se demanda ce qui pouvait bien faire pâlir autant le brun à ces derniers mots, il en fit tout autant en entendant sa réponse.

« Oh… »

Le prêtre se sentait honteux d’avoir omit cette possibilité. Il avait complètement oublié que certains des adolescents qui étaient ici pouvaient très bien avoir commit des crimes bien pires que la morale pouvait en supporter. Pendant son adolescence, il avait lui aussi fait des choses atroces. Il se mit alors à faire tourner sa bague nerveusement sur son doigt. Il était gêné de sa gaffe. S’il n’était déjà pâle, il aurait pu rougir.

« Je…je suis vraiment désolé… »

Il afficha un air peiné. Pas pour le jeune homme, en lui montrant qu’il avait pitié. Justement, ce n’était pas vraiment le cas. Il était juste triste de voir que malgré que certains puissent avoir des connaissances qui pourraient leur servir, aucune chance ne leur était réellement donnée. Il se demandait alors bien à quoi pouvait servir une salle de classe, bien qu’il y avait sans doute d’autre jeune hommes comme lui qui auraient l’occasion de sortir, et qui ne devaient pas étudier aussi assidûment.

« J’en oublie que certains d’entre vous reçoivent cette punition…Je ne voulais pas vous froisser ou vous faire de la peine !...Cependant, qu’est-ce qui peut alors tant vous motiver ? Vous epsérer sortir un jour, non ? »

Il lui fit un sourire chaleureux.

"Mon rôle est d'écouter les gens afin de les soulager de leurs douleurs et de peines, alors si vous voulez me dire ce que vous voulez, je suis là!"